Pédagogie : PIRLS : ET SI ON SE POSAIT LES BONNES QUESTIONS ?

 

La première mesure est l’introduction de la dictée journalière pour tous les élèves. Ce qui va rassurer une partie des parents et de nombreux•ses intellectuel•les réactionnaires, ne répond pas du tout à l’objectif. En effet, comment penser qu’un exercice d’écriture très tech-nique puisse aider les élèves à mieux comprendre la lecture ? De plus, cette dictée, quel bel exercice d’inégalité et de discrimination pour des élèves qui n’avancent pas tou•tes au même rythme, pour ceux-celles qui sont en grandes difficultés scolaires et qui ne bénéficient même plus de prise en charge RASED. On ne parle pas non plus des élèves qui devraient bénéficier d’une AVS. Hors su-jet, Monsieur le ministre !

En résumé, on nous ressort la panoplie de toutes ces me-sures déjà largement utilisées sous l’ère Sarkozy et marquées du sceau de la réaction pédagogique : évaluations nationales à tous les niveaux, programmes restreints sur les fondamentaux, APC et travail supplémentaire pour les mauvais élèves, programmations annuelles pour « guider » les collègues, repli sur la classe et le savoir lire-écrire-compter…

Ce qui est surtout inquiétant, c’est que tout ceci ne sera pas dirigé uniquement par le ministère. Si nous n’avions pas complètement compris en quoi allait consister la mission du Conseil scientifique que Blanquer a instauré et confié à S. Dehaene, les annonces du 5 décembre nous éclairent désormais sur un choix clair et assumé de donner les clés de la politique éducative au « tout neuroscience » au dé-triment d’autres approches pédagogiques. Apprendre serait donc quantifiable, prévisible et programmable, selon les âges et pour n’importe quel•le élève. Faux, tout faux. Il va donc imposer aux personnels le recours à des techniques et des pratiques basées sur le prédictif et l’évaluation normée. Ce conseil scientifique aura des missions très élargies ; surveiller le con-tenu et l’application des pro-grammes, édicter les méthodes de lecture et les imposer dans les classes, établir les évaluations nationales… Pour résumer, ce conseil sera le « guide suprême » de l’Éducation nationale auquel les enseignant•es devront se soumettre.

La CGT Éduc’action dénonce cette omnipotence d’un courant scientifique sur les recherches pédagogiques. Il va contraindre les collègues dans l’exercice de leur métier. En matière de lecture, l’objectif majeur du ministre va être d’imposer le décodage et la fluence orale de lecture puisque les neuroscientifiques estiment que c’est le seul et unique moyen de faire progresser les élèves. C’est oublier les particularités de chaque élève qui entre et avance différemment dans la lecture, mais surtout que ces méthodes entrainent aujourd’hui cette chute de résultats PIRLS. En effet, leur analyse indique clairement que les élèves testé•es sont capables de déchiffrer mais qu’ils-elles sont en très grande difficulté pour comprendre. On touche là aux limites de cette approche pédagogique tant vantée par Céline Alvarez et compagnie… Décoder ne donne pas de sens et ne peut pas s’appeler lire !
La CGT Éduc’action n’a pas vocation à imposer des méthodes pédagogiques. Elle se bat pour que les enseignant•es exercent leur esprit critique et éclairé, qu’ils-elles utilisent les pédagogies qui leur conviennent et semblent les mieux adaptées à leurs élèves, en fonction des moments, des besoins et du collectif dans lesquels ils-elles évoluent.

Jérôme SINOT