M@gistère

 

« Avant, nous avions de la formation.... Mais ça c’était avant ! »

Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires et selon la volonté de V. Peillon de faire rentrer les enseignants dans le monde du numérique (et à la demande de certains syndicats…), le MEN a scindé les 18h d’animations pédagogiques en 2 parties :
- 9 h (au maximum…) d’animations pédagogiques « classiques »
- 9 h (au minimum…) transformées en actions de formation dites à distance.

Et pour accéder à cette formation, est apparue la plateforme M@gistère, d’abord sous forme expérimentale et bientôt généralisée à l’ensemble des PE.

M@gistère un monde m@gique ?

Au delà de l’extase à laquelle est censée se plier toute personne, faute de quoi elle paraîtrait ringarde, au-delà des vidéos de présentation toutes plus « fun » les unes que les autres, au-delà du discours attrayant dont le but est de nous faire adhérer à cette forme de formation, M@gistère présente des aspects plus qu’inquiétants quant à l’évolution de notre métier, à la conception même de ce que doit être la formation continue et quant à nos droits en matière de formation continue sur notre temps de travail.

De la formation continue au pistage continu !

Si certains IEN affirment qu’ils ne « fliqueront » pas, ils ajoutent très vite qu’ils rencontreront les collègues qui ne se connectent pas pour résoudre ensemble leurs problèmes… D’autre part, pour valider chaque parcours de formation, un quizz permet de mesurer la réussite de l’enseignant. Ce quizz, visible par tous, est à compléter par des modules supplémentaires si le score de 100 % n’est pas atteint. Le tout est mesuré par un compteur actualisé toutes les 5 minutes. Atteindre le « nirvana » pédagogique a un double prix : la surveillance continue par l’administration et une transparence obsessionnelle et malsaine dans le but de s’assurer que les enseignants font bien leurs heures.

De la formation au formatage… à l’isolement…

Certes les animations étaient parfois imparfaites, ne répondaient pas toujours aux choix des collègues, surtout celles fléchées « obligatoires » ! Mais, avec M@gistère, les contenus et les thèmes sont standardisés et imposés. Acquérir une pédagogie ne passe pas uniquement par un calque de bonnes pratiques filmées. De même, la formation ne peut se départir des échanges directs entre formateur-trices et enseignant-es, des questionnements, des retours et partages de pratiques. Il faut que chacun-e s’empare de sa formation et s’inspire des autres. Gommer tous ces aspects-là est dangereux et interroge sur la vision du MEN sur la notion de formation et de pédagogie. Si cette voie (qui ne rompt avec celle initiée par Sarkozy) est poursuivie, elle ouvre la porte à des formations à distance généralisées pour les enseignants, mais aussi pour les élèves. Quant à l’ouverture au numérique des enseignant-es par cette méthode, le prétexte est gros car ils n’ont pas attendu M@gistère pour être connectés, pour surfer et préparer leur classe.

Vers la déréglementation de la formation sur notre temps de travail et un transfert des responsabilités.

Présenté comme une avancée car une liberté gagnée (position de certaines OS [1]), le fait de se former tranquillement chez soi, à n’importe quelle heure du soir (à l’apéro ?), du matin, week-end et jour férié compris (au moment de la messe…), présente de grandes limites.

Tout d’abord, c’est la remise en cause de l’obligation légale de formation de l’employeur vis-à-vis de ses salariés et l’abandon du PAF [2].

D’autre part, la relance incessante pour valider les modules de formation risque de faire exploser le nombre d’heures réglementaires de formation tout en perdant en qualité. En entrant dans la validation numérique, on entre dans l’évaluation type PISA…

Surtout, qui dit formation à distance, dit matériel adéquat… Et là se pose la question du financement de ce matériel. Par cette formation à distance, le MEN nous impose indirectement d’avoir un ordinateur personnel adapté à M@gistère chez soi. Ainsi, il se dégage une nouvelle fois de ses obligations légales d’accès à la formation. En effet, on sait très bien que les collègues ne rempliront pas leurs heures de formation à l’école pour de multiples raisons : absence ou presque de matériel dans certaines écoles pour se connecter à M@gistère (en quantité et performance), problème du temps d’utilisation du matériel des écoles avec les activités péri-éducatives, souhait de ne pas rester le mercredi après-midi ou de le faire sur la pause méridienne….

Pour la CGT Éduc’action, la formation doit partir des besoins exprimés par les personnels pour y répondre et elle doit être humaine. Si le numérique peut être un des outils de formation, il ne peut en être l’exclusive. L’interaction entre les pairs, entre le stagiaire et le formateur ne peut se résumer à un forum, sorte de barnum pédagogique. Valider M@gistère, c’est surtout faire de très grosses économies pour le MEN (en personnels, en défraiements, en stages…), argument principal non avoué !

Isabelle DURAND-VOCHELET
Andrée MAHAY-AUBIN
Laurence TASSUS
François-Xavier DURAND


[1Organisations Syndicales

[2Plan Académique de Formation