Socle commun : un antidote aux changements de l’école

 

La notion de compétence, justifiée pédagogiquement a été détournée. Les compétences qui sont à l’œuvre à l’École se doivent d’être limitées et ne peuvent permettre un savoir-faire réel ni une maîtrise quelconque. C’est l’image de la bicyclette : savoir démonter et remonter la roue avant d’un vélo ne permettra jamais de savoir rouler à bicyclette. Mais le patronat d’aujourd’hui en France n’a pas besoin d’experts (ou très peu) mais d’exécutants de tâches précises (si possible d’une seule) les plus distinctes possibles des autres tâches, de manière à utiliser jusqu’au trognon un salarié et à le jeter ensuite parce qu’il ne sait rien faire d’autre. C’est ce que prépare l’École du socle, ce que nous appelons l’employabilité. Plus que jamais, c’est à cela que sert le socle commun.

Il faut y ajouter le caractère, revendiqué, fortement de bain idéologique. En effet, la nouvelle officine idéologique du ministère, le CSP [1] a ajouté le retour de la culture commune, présente dans le premier socle. C’est un moyen pudique de dire formatage, tous pareils, tous les mêmes valeurs, les mêmes codes, la même façon de penser, le tout pour la plus grande gloire du système capitaliste. Ainsi le concept d’attitude ou de "savoir-être", présent dans le socle façon Fillon, que la CGT Éduc’Action combattait parce qu’il revenait à écarter ceux qui pensent et agissent autrement, est remplacé aujourd’hui par celui de "valeur" qui consiste à intégrer tout le monde au système. Les cinq domaines remplaçant les sept piliers ont aussi une forte dimension idéologique : « Voilà ce qu’il faut penser et comment il faut penser. » La culture commune, c’est toute l’histoire de l’œuvre de Jules Ferry, gommer les différences de classe et apprendre à tous que nous avons des intérêts communs, que les capitalistes et les salarié-e-s doivent s’entraider, alors que, dans la réalité, leurs intérêts sont diamétralement opposés. Les valeurs sont celles de la société capitaliste, le droit pour un Homme d’en exploiter un autre. Le retour en fanfare de cette culture commune présente dès 2005, mais un peu oubliée, ne signifie rien d’autre que la volonté renouvelée d’utiliser à plein cette formidable machine idéologique qu’est l’École pour fabriquer des consciences bien comme il faut.

La CGT Éduc’Action demande toujours l’abrogation des deux lois Fillon et Peillon, la fin du socle commun et un bouleversement réel pour aller vers une École sans compétition, favorisant la promotion de tous et armant les futurs salariés pour leur permettre de résister aux patrons.

Jean GRIMAL


[1Conseil Supérieur des Programmes