Rythmes scolaires : et une dérèglementation supplémentaire
Le nouveau décret des rythmes scolaires instaure la possibilité pour les communes de revenir à la semaine de 4 jours et de déroger ainsi au calendrier scolaire annuel. Ainsi, sans remettre en cause les décrets Peillon-Hamon, il aggrave la désorganisation du travail et les inégalités sur l’ensemble du territoire où plus aucune règle commune n’existera, tant pour les élèves que pour les personnels. Ce nouvel aménagement a été décidé en urgence lors des deux dernières semaines d’école par environ 1/3 des communes appuyées le plus souvent par les enseignant-es. Il est très largement appliqué par des communes rurales qui y ont vu l’occasion de faire des économies de fonctionnement et de personnels. Les grandes villes, elles, ont repoussé ou décliné la possibilité pour diverses rai-sons : volonté politique de ne pas détricoter une mesure instaurée par leurs camarades socialistes et qu’elles ont soutenu (Paris ou Dijon par exemple) ou simple pragmatisme. Marseille par exemple, pourtant très demandeuse d’une telle dérogation, n’a pas souhaité sauter le pas dès septembre 2017 car les contrats liant la ville aux associations gérant les TAP étaient déjà signé et leur dénonciation aurait couté extrêmement cher.
Dans ce grand n’importe quoi qu’est devenu la semaine scolaire française, on vous propose une photo rapide…
Aménagement des rythmes scolaires en Seine-Saint-Denis.
Le CDEN du 4 juillet a officialisé le retour à la semaine de 4 jours pour 14 communes sur les 40 que compte le départe-ment. Au-delà de la lecture politique sur ce revirement (la majorité de ces communes sont classées à droite), il s’agit bien avant tout d’un choix économique qui est fait par les communes en question. L’application des TAP coutait entre 400 000 et 500 000 euros par an à une ville comme Bagnolet.
Alors même que les dotations budgétaires des collectivités territoriales se réduisent comme peau de chagrin, certaines communes y ont donc vu une opportunité. S’ensuit alors le difficile jeu de « recaser » les animateur-trices recruté-es sous contrat, mais aussi de façon plus dramatique, la grande vague de licenciement des vacataires.
Le passage à 4 jours a bien souvent le soutien des enseignant-es qui y voient la fin des multiples casse-têtes liés aux TAP : saturation des locaux, semaines irrégulières, inégalités dans les activités proposées entre les communes. Elles-ils ont donc accueilli la nouvelle avec soulagement. Inutile de dire que cette décision a été prise sans bilan des rythmes scolaires et sans présentation des conséquences.
La CGT Éduc’action dénonce aussi les conséquences sur les emplois induits et déplore le non renouvèlement des vacataires voire leur réduction nette, ainsi que la modification des journées des ATSEMs et des personnels territoriaux des cantines.
Retour aux 4 jours dans une académie rurale : Exemples de l’Allier et du Cantal
Au regard des deux départements, le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation est très contrastée.
Dans le Cantal, le passage à 4.5 jours avait rencontré une très forte adhésion et la nouvelle semaine avait été très fortement appliquée dès septembre 2013 par environ 90 % des communes. Face à cette volonté politique, il n’est pas étonnant que seulement 16% des communes soient revenues à 4 jours et que ces dernières, des petites communes surtout, ne représentent qu’un faible pourcentage d’élèves.
A contrario dans l’Allier, 37% des villes et villages ont choisi le retour à 4 jours parmi les-quelles 2 villes majeures du département. La seule qui se soit maintenue à 4.5 jours l’était déjà avant la réforme de Peillon. C’est donc une propension très forte dans l’Allier au regard de la moyenne académique. Il a été annoncé par ailleurs qu’un bon nombre de communes feront le choix des 4 jours dès la rentrée 2018. Elles avaient des contraintes d’engagement avec des transporteurs et des intervenant-es et préféraient mener les contrats à leur terme. Il est fort à parier que la quasi-totalité des collectivités seront à 4 jours à la rentrée 2018. L’argument avancé en majorité est relatif à la question financière (économie chiffrée à 500 000 € pour la Ville de Montluçon qui pourtant faisait payer les TAP) mais aussi celui de la qualité des prestations étant donné le contexte précaire que pouvait présenter l’engagement des intervenant-es. Beaucoup de communes restent en 4.5 jours et sont sur des dérogations avec une demi-journée libérée (ce qui est totalement à l’inverse de ce qu’il peut être préconisé en termes de rythmes scolaires). La ville de Massiac dans le Cantal a pris la décision radicale de maintenir 4.5 jours mais n’assure plus les TAP, les élèves sont ainsi libérés !
D’une manière générale les collègues du 1er degré dans l’académie, souvent issus de la ville de Clermont, se disent soulagés du retour à 4 jours car ils auront 1 jour en moins de déplacement qui parfois peut aller jusqu’à 300 km.
Quel impact sur les profs ? Plus de précarité…
Le retour à la semaine de 4 jours dans 1/3 des communes va incontestablement dégrader les conditions de travail de certains personnels. L’absence de cadre national con-cernant les horaires et la multiplication des organisations hebdomadaires selon les écoles d’une même circonscription (demi-journées avec horaires différents, mercredis ou samedis travaillés) vont multiplier les difficultés pour les collègues en poste fractionné ou celles-ceux travaillant en remplacement. En dé-régulant les horaires, la ré-forme des rythmes scolaires et ses multiples décrets dérogatoires ont profondément désorganisé les territoires et flexibilisé le temps de travail des personnels. Ainsi, au sein d’une même collectivité territoriale ou d’une circonscription, les écoles ont des rythmes différents, entrainant une complexité d’organisation et de gestion pour tous. Cela rend également l’exercice du métier non équitable selon le lieu de travail des personnels. Pour y remédier, le ministère va pouvoir utiliser les astreintes et les RTT pour un grand nombre de personnels enseignants. En effet, depuis la circulaire de 2014, le temps de travail des remplaçant-es est annualisé et l’administration peut faire faire à ces personnels, plus de 24h hebdomadaires avec élèves, puis les rattraper dans l’année. Compte-tenu du manque de remplaçant-es cela se traduit en fin d’année par un nombre important d’enseignant-es non remplacé-es pour cause de RTT afin de rattraper les « astreintes » de l’année. Cela n’a pas concerné que les remplaçant-es, mais aussi les collègues en complément de service pour rattraper le surplus d’heures effectuées liés aux différents horaires des écoles dans lesquelles ils/elles exerçaient. Et que dire des difficultés à venir lorsque les mauvais jours vont arriver avec la pénurie en personnel à prévoir…
Ces réformes ont également accentué la flexibilité du temps de service hors temps de présence devant élèves avec la multiplication de réunions le mercredi après-midi ou le soir.
On le voit bien, la nouvelle organisation du temps scolaire et l’explosion du cadre national vont complexifier la gestion de ces personnels par les personnels administratifs des DASENs, qui vont eux-elles mêmes voir leurs conditions de travail se dégrader.