Rythmes :
Bilan et Perspectives

 

TÉMOIGNAGES

Voici quelques propos recueillis dans un secteur où la réforme est mise en place :

« Depuis la mise en place, la précarité a augmenté, et on ne peut faire de travail éducatif satisfaisant avec 18 élèves alors que la norme pour les centres de loisirs est de 12 »Mathilde, animatrice ALSH.

« La mairie a imposé de nouveaux horaires, plus de charge de travail sans véritable concertation. Avec la grève on a obtenu des avancées, mais les restrictions budgétaires pour financer ce service conduisent à renforcer la précarité et à augmenter les cadences »Claudine, ATSEM

« Les semaines paraissent longues pour tout le monde. De plus, ça ne règle rien sur le fond : les programmes sont trop lourds et les moyens des RASED toujours pas rétablis. Il faut d’abord des moyens pour faire réussir les élèves »Laurent PE en ZEP

« Mon fils n’en peut plus. J’ai du mal à concilier ses activités de loisirs et le temps scolaire. Les enfants sont pris en charge dans des activités sans encadrement suffisant. Dans le village d’à côté, ils ont plus de chance et nous on doit payer certaines activités. Beaucoup de parents hésitent à laisser leurs enfants »Sandrine, mère de deux enfant, salariée de la chimie.

L’UMP et l’ensemble de la droite voulant surfer sur ce profond mécontentement veulent faire oublier des années de politique destructrice de service public, et des coups porter à l’école : suppressions de 576 heures d’enseignement pour les élèves, de 80 000 postes dont 5000 postes de RASED, programmes alourdis avec des processus d’évaluations stressants... Cette politique, sous le signe de la rentabilité à tout prix , est responsable en partie de l’emballement des « rythmes scolaires ».... sans rappeler leurs projets toujours fondés sur la mise en concurrence et la libéralisation à l’extrême du système éducatif : pour nous, ils sont disqualifiés.

Mais l’ampleur de la protestation, exprimée publiquement ou non, dépasse et de loin cette manœuvre de récupération politique.

Les grèves récentes et manifestations [1] ont témoigné une nouvelle fois de l’opposition d’une majorité d’enseignants en dépit d’un cadre unitaire restreint dans l’Éducation (CGT, FO, Solidaires et seulement quelques sections de la FSU). La nouveauté a été l’appel et la participation remarquée des territoriaux, le plus souvent à l’initiative de la Fédération des Services Publics CGT, et dans certains secteurs de salariés du secteur associatif.

Un récent sondage montre que 58 % des familles ayant au moins un enfant sont opposées à cette réforme. Ce chiffre serait encore plus important s’il portait sur les familles dont l’enfant est directement concerné. En effet, selon une consultation réalisée par France Inter, 72,8 % des sondés des villes passées à la réforme ne sont pas favorables à cette réforme, 69,7% trouvant leur enfant plus fatigué !

Ils étaient présents ainsi que des élus locaux qui sont nombreux à signaler les incohérences et les difficultés de la mise en place de cette réforme ou leurs craintes pour ceux qui avaient reporté leur décision à 2014.

Tous s’interrogent aussi sur les finalités de cette réforme qui ne correspond en rien aux objectifs qu’elle affichait : la réussite et le bien-être des enfants.

Si nous nous opposons à la réforme actuelle, si nous demandons son abandon, ce n’est pas pour nous réfugier vers un statut quo intenable à terme.

Il est temps d’aborder les vrais problèmes et de s’engager vers une véritable transformation démocratique de l’École.

C’est un véritable débat de société qu’il faut ouvrir, avec pour première préoccupation la perspective d’une amélioration de leurs conditions de vie et de travail dans le cadre d’un développement humain durable.


Ouvrons le débat autour de 7 enjeux

-  Premier enjeu : Combattre la flexibilité renforcée du travail, la précarité, la paupérisation qui ont un effet direct sur la vie des parents comme celle des enfants.

La Cgt revendique, pour tous les salariés, un nouveau rapport entre vie au travail et vie hors travail, permettant de répondre aux besoins de toutes et tous. Le progrès technique et l’accroissement de la productivité doivent servir à réduire l’intensité du travail et sa durée, à en transformer le contenu, à permettre à chaque salarié de concilier vie professionnelle et vie privée. [...]. Il faut des droits nouveaux pour les parents salariés.

-  Deuxième enjeu : Refonder l’École en tournant le dos au « productivisme éducatif ».

La Cgt revendique une Démocratisation de l’école, pour assurer l’épanouissement et la réussite de tous, et faire que les conditions sociales et les différences culturelles ne soient plus un obstacle à la poursuite d’études et à l’acquisition de diplômes et de qualifications. Nous revendiquons une culture commune de haut niveau, bien commun conforme aux besoins sociaux et à l’épanouissement de l’individu, à l’opposé d’un socle commun réduit, « utile » pour une « employabilité » à court terme. Cette culture doit prendre en compte tous les champs du savoir : littéraire, scientifique, technologique, économique, social, artistique, sportif.

-  Troisième enjeu : Reconquérir le temps pour « apprendre Vraiment ». Sans allègement des programmes annuels, pas de réelles modifications des rythmes des enfants !

La Cgt réaffirme qu’il faut laisser du temps pour les apprentissages, aider plus ceux qui en ont le plus besoin, mais aussi rééquilibrer les savoirs et les compétences. Il faut permettre à chaque élève de trouver sa voie en fonction de sa personnalité, ses goûts, ses aptitudes... Loin de l’empilement académique des connaissances, nous sommes pour des pédagogies qui donnent sens aux savoirs et plaisir d’apprendre, qui favorisent la démarche d’autonomie de l’élève, de coopération dans la classe, de construction et d’appropriation des savoirs, qui respectent l’enseignement disciplinaire mais développent une approche interdisciplinaire permettant de découvrir les liens entre disciplines, qui se fondent sur la démarche scientifique d’observation et de compréhension du réel, qui mobilisent l’imaginaire, qui émancipent et conduisent le futur citoyen à l’autonomie de jugement. Cela passe par un allongement de la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans et une autre répartition des programmes sur l’ensemble de la scolarité et qui ne se réduisent au socle commun.

-  Quatrième enjeu : Revaloriser l’École et les métiers de l’Éducation.

La Cgt revendique le respect des missions et des qualifications des personnels. Pour les enseignants, elle revendique une déconnexion de leur temps de travail de celui des élèves. L’objectif un temps d’enseignement de 18h, dans le cadre d’une véritable politique plus de maîtres que de classes (3 maîtres pour 2 classes), permettrait de revenir à 26 heures d’enseignement pour les élèves, de renforcer le travail par petits groupes, le travail d’équipe... Les AVS et EVS doivent avoir un statut reconnu dans la Fonction Publique, une formation assurée et être membres de plein droit de l’équipe éducative.

Les missions des ATSEM et des personnels territoriaux de service doivent être respectées et revalorisés, leur temps de travail devrait prendre en considération les spécificités des activités et le temps nécessaire de concertation avec les enseignants.

Il faut une relance des RASED, outil indispensable de lutte contre l’échec scolaire et une approche pluridisciplinaire permettant de renforcer les collaborations avec tous les acteurs éducatifs et sociaux. Le statut des personnels de toutes les catégories doit être revalorisé. Un vaste plan de formation continuée des personnels et une véritable formation initiale sont indispensables.

L’organisation du travail doit être adaptée aux objectifs et missions de l’École, elle ne peut être décidée sans les personnels concernés.

-  Cinquième enjeu : Mieux articuler, sans les confondre, les missions de tous les acteurs éducatifs.

Pour la Cgt il serait dangereux et grave de confondre les missions de l’école avec celles des acteurs éducatifs qui interviennent sur le champ post et péri scolaire. Elle se déclare favorable aux collaborations et coopérations, tant sur le temps scolaire qu’en dehors de ce temps, mais refuse la confusion des rôles favorisée par le pilotage territorial qui met les écoles sous contrôle des mairies.

-  Sixième enjeu : Redonner sa place à l’Éducation Populaire, agir contre la déprofessionnalisation de ses acteurs.

La Cgt revendique une reconnaissance des métiers de l’animation. Il faut mettre un terme à la déprofessionnalisation, à la multiplication d’emplois aux multiples formes : « Volontaires Associatifs », jeunes en « Service Volontaire Européen », stagiaires non rémunérés à la place de vrais emplois permanents, au recours abusif aux contrats aidés comme les Contrats uniques d’insertion, aux emplois dérogatoires au droit du travail comme le Contrat d’ Engagement Éducatif (CEE) institué par la loi sur le volontariat associatif, favorisés par des temps d’animation dispersés.

Bien au contraire, les associations ou les services territoriaux supports indispensables de ces activités, doivent trouver des espaces temps permettant de déployer leurs activités, leurs projets et des financements pérennes. Les associations qui les portent ne doivent pas se soumettre aux obligations de service qui seraient imposées par l’État ou des collectivités. La précarité qui gangrène ces métiers doit être combattue. L’État doit consacrer 1 % de son budget à la réalisation des missions des associations d’Éducation Populaire et doit abonder la dotation financière aux collectivités territoriale

-  Septième enjeu : Garantir une égale qualité de l’offre éducative pour tous les jeunes.

L’école doit rester dans le cadre d’un véritable service public d’éducation nationale laïc et gratuit. Les collectivités territoriales sont en charge de l’équipement et des infra structures, de la coordination des activités éducatives hors temps scolaires et ne peuvent exercer de tutelle sur les activités scolaires. Il faut une carte scolaire assurant la mixité sociale des établissements. Il faut un véritable plan national de modernisation des locaux et des équipements. Le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative doit recréer les postes nécessaires au suivi et à l’accompagnement des projets éducatifs, il doit avoir les moyens d’accompagner les politiques locales financièrement pour assurer une égalité de l’offre éducative sur le territoire.


[150 000 manifestants en France : 3000 à Marseille, Bordeaux, Nice, 1200 à St Étienne ou Rouen.