Refondation... Un piège...

 

Refondation piège à …

Au moment où l’actualité de l’Education nationale est accaparée par la question des rythmes scolaires dans le premier degré, à quelques jours de la présentation à l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’École, il est temps de faire un point sur 10 mois du nouveau gouvernement en matière d’éducation et d’en tirer des conclusions.

En souhaitant faire de l’École la priorité de la République, nous ne pouvions que souscrire au louable objectif du candidat Hollande.

En effet, la CGT Éduc’action a toujours affirmé que la place de l’École était à reconsidérer, surtout après 10 ans de matraquage. Pour y parvenir, le président et son ministre de l’Education nationale ont inauguré, à grands renforts médiatiques, la Refondation de l’École qui s’est tenue tout au long de l’été et de l’automne.

L’objectif affiché était de défricher le terrain des idées et d’avancer des pistes de réforme afin de préparer la future loi d’orientation. Soucieuse de travailler à cette Refondation, la CGT Éduc’action a pris ses responsabilités et a participé activement aux différents ateliers. Nous n’étions pas dupes sur la portée de ce genre d’événement, mais nous ne pouvions être absents. C’était pour nous le moment de porter nos revendications et de faire entendre publiquement notre voix, en dehors des tractations de certains autres syndicats dans les couloirs du ministère.

Considérant que la question de l’École est sociétale, nos contributions visaient à construire une réflexion globale sans renfermer l’École sur elle-même.

Cependant, le jeu était biaisé. Tout d’abord, la configuration de ces grandes réunions collégiales était un frein à un travail réel. Il n’était pas rare de se retrouver plus d’une centaine d’acteurs touchant de près ou de loin à l’école dans un amphithéâtre…

Ainsi, comment discuter sereinement et de manière constructive lorsque l’auditoire n’était jamais le même, venait au gré de ses possibilités et de ses envies ? Comment considérer les paroles portées et ont-elles toutes la même valeur et influence ? Comment mettre sur le même pied d’égalité les revendications des enseignant-e-s et celles des professionnel-le-s du tourisme? Surtout, très vite, on a senti que la discussion n’était pas transparente et que la véritable volonté d’ouvrir le débat et libérer la parole n’était pas pleine, que de fait les véritables discussions se passaient ailleurs.

La faute sûrement aux directives ministérielles, mais aussi au jeu en sous-main d’un certain nombre d’organisations syndicales, plus proches des manœuvres de couloirs que de l’action syndicale, voyant dans ce changement de majorité, l’opportunité de porter leurs intérêts particuliers au plus près du pouvoir, confondant parfois propositions constructives et indépendance syndicale vis à vis du politique…

À cet exercice de voltige entre la base (enseignants et syndiqués) et le ministère, certains semblent s’être brûlés une partie de leurs ailes. En effet, comment maintenir un cap partagé avec le ministre tout en gardant la main sur les collègues, peu enclins à subir une nouvelle réforme à leurs dépens ? Ce positionnement ambigü se traduit aujourd’hui dans la mobilisation contre la Loi et le décret des rythmes. Et le succès de la journée du 12 février dans le 1° degré est un désaveu tant pour les organisations qui ne revendiquent plus rien, que pour celle qui s’est ralliée à la grève en se faisant dépasser par les personnels.

Pour en revenir à la Refondation et au regard de ce jeu tronqué, l’impression que nous avions à la clôture des débats est aujourd’hui renforcée : tout ceci relevait de la communication et de l’apparat. Après plusieurs mois de préparation et d’échanges avec les syndicats avant les élections présidentielles, après des mois de « Refondation », force est de constater que la proposition de Loi d’Orientation du gouvernement est dramatiquement maigre, mais aussi dramatiquement  violente à l’encontre des élèves et des enseignant-es. Tout ce qui est aujourd’hui proposé dans le texte était déjà avancé par le ministère lors des ateliers et rien n’a bougé, malgré des heures de concertation. 

  • Rien n’a été entendu sur le Socle commun,
  • Rien sur la nécessité de revoir la réforme du lycée,
  • Rien sur la nécessité d’avoir des personnels RASED,
  • Rien sur la nécessité d’avoir une médecine scolaire digne de ce nom,
  • Rien sur la médecine du travail des personnels,
  • Rien sur la nécessité d’avoir des personnels d’encadrement dans les établissements du secondaire, rien sur une réelle formation des enseignants…

La liste est longue et douloureuse. Dès l’élection de F. Hollande, La CGT Éduc’action s’est battue pour obtenir une grande loi de programmation qui transforme en profondeur l’École, sans bricolage et avec des moyens conséquents. Nous avions averti que des actes forts devaient être pris pour marquer une rupture significative avec les politiques passées.

La déception est grande, elle est, aujourd’hui, source de frustration et de colère chez bon nombre de nos collègues…Comme le sentiment qu’une occasion est passée…un grand gâchis en quelque sorte.


Jérôme SINOT et Yvon GUESNIER