Refondation : Education Prioritaire.
Refondation Education prioritaire.
Vincent Peillon a présenté le 16 janvier son plan de Refondation de l'Education prioritaire. Si certains syndicats et de nombreux partenaires ont salué ce plan qui associe éléments pédagogiques et dispositifs professionnels, la CGT Educ’action ne tombe pas dans un angélisme béat.
Si nous actons un certain nombre d’avancées et remarquons que certaines de nos revendications sont prises en compte, nous restons méfiants car subsistent de très nombreux point d’ombre ou de litige.
Au rayon des bonnes nouvelles, nous saluons la disparition programmée des RRS et des ECLAIRS. Nous attendrons malgré tout les actes pour caractériser les futurs REP ou REP+ et l’éventuel abandon des postes à profil (cas des principaux de REP+ et des directeurs). De même, nous nous félicitons du souhait de créer des postes d’infirmier-ère-s et d’assistant-e-s sociaux-ales dans les écoles, de la généralisation des dispositifs « plus de maitres que de classe » et d’accueil des 2 ans. Nous reconnaissons également qu’il est très intéressant de réintroduire une formation spécifique dans l’Education prioritaire et de laisser une certaine liberté pédagogique aux équipes en place. Aux niveaux avancés, la volonté du ministère de préserver les équipes et de les pérenniser dans les secteurs prioritaires est à notre sens intéressant. Ainsi, il n’était pas inutile de réfléchir à des incitations pour aider les collègues en place. Dans ce sens, le doublement ou l’augmentation des indemnités spécifiques et des temps de décharge vont dans le bon sens.
Si la Refondation de l’Education prioritaire est une nécessité et devient une priorité, voire une vitrine, de V.Peillon, nous nousinterrogeons sur sa mise en place et son efficacité, ainsi que son réel impact sur les écoles, les élèves et les collègues. En effet, comment être béat quand on sait que ce nouveau plan de réforme se fait à moyens constants ? Comment penser que la création de postes dans les REP-REP+ et le financement de ce projet ne se feront pas au détriment d’autres secteurs de l’Ecole ? Il est clair qu’il n’en sera pas autrement puisque la Loi de finance 2014 prévoit une baisse de la dotation pour le MEN par rapport au rythme de création de postes prévu en début de quinquennat et que le ministre annonce que " plusieurs centaines de millions vont se déplacer, entre 300 et 400". Mais d'où viendront-ils ? La généralisation des postes « plus de maitres que de classes » dans les REP-REP+ d’ici 2017 aura pour effet de priver certains autres territoires, ruraux le plus souvent, de ce dispositif.
Concernant les temps de décharge attribués aux enseignants, les 9 jours par an seront intéressants pour qu’un travail collectif et de formation soit engagé efficacement. Pour cela, ils devront être pris conjointement par cycle ou par école. La portée serait nulle si ces temps étaient individualisés ou fractionnés en fonction des possibilités de remplacement. Dans ces conditions, et parce que nous connaissons les capacités des brigades départementales de remplacement, nous restons plus que circonspects sur ces conditions de remplacements.
L’ajout d’un maître supplémentaire, du dispositif « plus de maîtres que de classes » ne saurait être suffisant en soi. Depuis des années, dans pas mal d’écoles, y compris en ZEP, les liens se sont distendus, le travail collecctif a pu régresser, les réunions sont parfois perçues comme une surcharge inutile. C’est le résultat des pressions de la hiérarchie pour faire entrer tout le monde dans le moule et restreindre la liberté pédagogique.
Pour éviter que le maître supplémentaire ne soit qu’un gadget, il est essentiel de donner du temps de concertation, non dans l’année, mais dans la semaine, donc d’appliquer la revendication de la CGT Educ’Action, le passage du temps de travail des enseignants à 18 heures devant élèves et 6 heures de concertation.
L’accueil des enfants de 2 ans pour les familles qui le souhaitent est une vieille revendication de notre organisation. Nous veillerons à ce que cette généralisation ne se fasse pas au détriment des conditions d’accueil et que les municipalités feront de vrais efforts. De même, si nous estimons qu’il est positif que les familles aient la possibilité d’être accueillies chaque matin, nous posons la question des conditions de cet accueil en terme de lieux (où dans l’école ?), de personnes (qui dans l’équipe pédagogique?) et de prise en compte des possibilités de chacun-e des parents (temps de travail ?).
Cette Refondation de l’Education prioritaire nous inquiète aussi car elle renforce la division des personnels, division déjà notifiée avec la mise en place des fiches Métiers. Si elle prolonge les recrutements sur postes à profil pour les directeurs, elle instaure des déroulements de carrière très dissociés, chose que nous combattons depuis longtemps. En effet, les avantages de carrière prévus (avancements bonifiés et accès à la HC accéléré) se feront à contingent équivalent. En clair, ces avancements se feront au détriment des autres enseignants...
En définitive, nous constatons et regrettons une Refondation de l’Education prioritaire qui s’inscrit pleinement dans le cadre plus global de la Refondation de V.Peillon. Cette Refondation assoit la notion de Socle Commun et donc une vision libérale de l'Éducation, ce que nous dénonçons toujours fortement.
Nous regrettons une Refondation qui ne se fera malheureusement qu’à moyens constants. Elle se fera donc au détriment des autres écoles puisque les dotations ne couvrent, déjà, qu’à peine les besoins liés à la démographie. Nous regrettons une Refondation qui oublie les RASED et leur rôle dans le travail d’équipe et leur rôle dans le traitement de la difficulté scolaire.
Pour la CGT Educ’action, Il faut une dotation spécifique pour l’Education prioritaire, à la hauteur de son caractère prioritaire. Nous persistons en affirmant que c’est du temps et des moyens en postes dont nous avons besoin, en clair des actes, et pas uniquement des mots.
Jérôme Sinot