RYTHME : le mot de l’année

 

Si vous avez des hésitations sur son orthographe, dites vous qu’il s’est longtemps écrit rhythme (jusqu’au 19e siècle). Il vient en effet du latin du latin rhythmus, du grec rhuthmós qui signifiait « mouvement réglé et mesuré » [1].

« Mouvement réglé et mesuré ». Cela laisse songeur quand on considère la grande pagaille mise en place par la Ville de Paris : on est plutôt dans le dérèglement démesuré…

Certes, du mouvement, il y en a : des enfants perdus qui vont et viennent, des parents déboussolés qui entrent et sortent de l’école, des enseignants qui font et défont des listes à un rythme effréné, des directeurs qui se démènent pour éviter accidents et incidents… Ça balance pas mal, à Paris ! De là à dire que tout cela a fière allure…

Dans l’indifférence de la Ville pour qui tout va bien dans le meilleur des mondes : l’inertie dans les rythmes ! Certes, cette rentrée scolaire (oublions l’épithète !) ne fut pas une surprise. Elle ne fut pas imprévisible : les personnels des écoles, enseignants ou non, avaient depuis des mois annoncé les problèmes que la Ville assurait être certaine de régler avant le 31 août… Même parmi les plus zélés zélateurs de ces nouveaux rythmes, certains se lassent de la litanie municipale. Essoufflés, ils sont contraints de se rendre à l’évidence : ce rythme-là n’est pas le bon, il faut jeter la partition à la corbeille : non seulement il faut revoir la cadence, mais aussi la mélodie !

En tous cas, si rythme et rime ont tous deux une même origine (rhythme désignait les deux, dans un poème), on ne peut pas dire de ces rythmes parisiens qu’ils riment avec l’intérêt des enfants, des élèves, et des enseignants ! Si c’est un poème, il tire de mauvaises versions de l’oulipo ou d’une piètre parodie d’inventaire à la Prévert…

Quant aux chronobiologistes, systématiquement appelés à la rescousse pour servir de caution à chaque modification des rythmes, ils doivent bien rire (jaune), ou pleurer, de la mélopée parisienne... Car si rythme implique l’idée d’une régularité [2] (on sait ce qu’endurent ceux qui souffrent d’arythmie cardiaque), les jours d’un enfant parisien ne se ressemblent plus : trois emplois du temps déséquilibrés sur cinq jours d’école, avec des horaires de sortie qui changent chaque jour.

Le Robert définit pourtant le mot rythme par « retour à intervalles réguliers d’un repère constant » ! Les petits de maternelle, mais aussi les plus grands d’élémentaire (dans certains quartiers, les élèves de CM1-CM2 se sont déjà massivement désinscrits des ateliers périscolaires, se retrouvent donc à la rue dès 15h avec toutes les conséquences que cela peut avoir), désorientés, déstabilisés par l’absence de repères horaires et humains, encore quatre semaines après la rentrée, apprécient…

Le grand gagnant de cette réforme Peillon-Delanoë est le consumérisme scolaire : on vient en client, on prend, on laisse, on choisit le contenu, l’horaire… Et vive la confusion des responsabilités, des règles, des lieux… Oraison funèbre pour le caractère national de l’École reléguée à l’arrière plan : la Ville dicte les contenus (et tant pis s’ils sont de piètre qualité, sans moyens matériels…), l’organisation, l’utilisation des locaux, la gestion des personnels… Le nouveau rythme de l’enfant est d’abord un rythme municipal…

Allez, osons terminer sur cette phrase détournée de Paul Éluard : « Un c[h]œur n’est juste que s’il bat au rythme des autres cœurs. »

En ignorant les personnels, en les divisant, en les méprisant, la Ville de Paris a joué une partition à contre-temps, discordante, qui, si elle suit le tempo imposé par le Ministre de l’Éducation nationale, dessert et la réforme des rythmes et l’École elle-même. Une (longue) pause s’impose… Sans remettre le bilan aux calendes grecques ! Force sera de constater, comme la CGT Éduc’Action le dit depuis des mois, que cette réforme Peillon des rythmes scolaires est néfaste pour les personnels, n’apporte rien aux élèves, voire leur est même préjudiciable ! Et qu’elle doit donc être abandonnée !

Henri BARON


[1Lui-même dérivé du verbe rhein, « couler ». D’où la nouvelle devise de l’Aménagement des Rythmes de l’Enfant (ARE) parisien, Fluctuat sed mergitur qu’on peut traduire littéralement ainsi « Fluctue mais coule »…

[2Le dictionnaire encyclopédique Hachette propose la définition suivante : « alternance régulière »… Le Larousse renvoie aussi à la notion d’équilibre dans une œuvre.