Loi Blanquer : Que penser des articles 8 et 9 ?

 

Les articles 8 et 9 de la loi dite « École de la Confiance » abordent les expérimentations et l’évaluation. Deux domaines qui méritent analyse.
Les expérimentations
Le fond de l’article 8 de la loi pour une école de la confiance peut se résumer à cet extrait : « Sous réserve de l’autorisation préalable des autorités académiques et après concertation avec les équipes pédagogiques, le projet d’école ou d’établissement […] peut prévoir la réalisation, dans des conditions définies par décret, d’expérimentations pédagogiques portant sur tout ou partie de l’école ou de l’établissement, d’une durée limitée à cinq ans.  » Ces expérimentations peuvent concerner entre autres l’organisation pédagogique de la classe, de l’école, la liaison entre les différents niveaux d’enseignement, la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire, les procédures d’orientation des élèves et la participation des parents d’élèves à la vie de l’école ou de l’établissement.
Et pour être bien sûr·es de se faire comprendre, les rédacteur·trices de la loi en ajoutent une couche : « Dans le cadre de ces expérimentations, et sous réserve de l’accord des enseignant·es concerné·es, la périodicité des obligations réglementaires de service peut être modifiée. »
En gros, on peut tout faire, tout bousculer mettre à mal encore plus l’unité de l’École et éventuellement annualiser le temps de travail des enseignant·es.
Et en même temps, comme si cela ne suffisait pas, on ajoute de la territorialisation : «  Les collectivités territoriales sont systématiquement associées à la définition des grandes orientations des expérimentations menées par l’éducation nationale ainsi qu’à leurs déclinaisons territoriales.  »
On ne peut s’empêcher de penser que la porte est ouverte à la généralisation des expériences avec des « associations » comme « Agir pour l’École » qui viendront mettre en place leurs protocoles ultra réactionnaires afin d’être sûres que le moins possible d’enfants des milieux populaires sache lire.
Les modalités d’évaluation de ces expériences appartiendront à l’administration, qui exercerait donc un contrôler, comme elle le fait déjà avec les évaluations depuis belle lurette. Peu de chances qu’elle désavoue des processus qu’elle aura autorisés, voire elle-même fortement suggérés.
Ce droit à l’expérimentation n’est pas une possibilité de permettre à des collègues de bâtir des projets pour sortir de la doxa imposée de plus en plus par les ministres successif·ves, mais bien un autre moyen d’imposer les mêmes méthodes, la même conception de l’École qui fait tant de mal aux enfants depuis près de 20 ans.
Les évaluations
L’article 9, qui évoque ce sujet se contente d’évoquer la mise en place d’un Conseil d’évaluation de l’École qui remplace le Conseil national d’évaluation du système scolaire. Ce conseil comme le défunt CNESCO se veulent impartiaux, indépendants alors qu’ils ne le sont pas plus l’un que l’autre. Ils sont composés d’élu·es (député·es et sénateur·trices) et d’expert·es (universitaires ou spécialistes de l’Ecole, mais sans jamais de vrai lien avec elle). Le seul changement, c’est que les expert·es de Blanquer, qu’ils·elles soient spécialistes ou universitaires, ne sont pas les mêmes que ceux·celles de Peillon et Vallaud-Belkacem. Pris sous cet angle, la création de ce conseil est un non-événement.
Ceci dit, les compétences de ce conseil sont à regarder de près en ce qui concerne son rôle concernant les évaluations. « Il veille à la cohérence des évaluations conduites par le ministère chargé de l’éducation nationale portant sur les acquis des élèves, les dispositifs éducatifs, dont ceux en faveur de l’école inclusive, et les établissements d’enseignement scolaire. […] il a pour mission d’enrichir le débat public sur l’éducation en faisant réaliser des évaluations. »
Les deux termes sont incompatibles, car veiller à la cohérence veut dire veiller à ce que rien ne soit différent de la ligne fixée par le ministre ; ce qui n’est évidemment pas la meilleure manière de susciter le débat public.
Nous avons aussi droit à l’habituel appui sur les recherches scientifiques, qui permet depuis belle lurette aux ministres de ne pas débattre du bien-fondé des recommandations (ou prescriptions pour ce qui est de Blanquer) pédagogiques ni du contenu des programmes et évaluations. Ils choisissent les « recherches » qui leur conviennent. C’est d’ailleurs clairement dit pour le Conseil : «  il s’appuie sur toutes les expertises scientifiques, françaises et internationales, qu’il estime nécessaires. » Pas de confrontation scientifique mais une doxa énoncée.
Le changement CNESCO-Conseil de l’évaluation se marque par une plus grande franchise (cynisme ?) de la part de Blanquer qui nous explique clairement que ce Conseil fera exactement ce qu’il voudra, en cohérence avec les prescriptions ministérielles.