La Réalité d’une ancienne enseignante référente dans le monde délaissé du handicap…

 

A l’occasion des Assises de l’école maternelle, j’ai souhaité faire part de l’état des lieux en matière d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, comme un « instantané » du quotidien d’une enseignante référente de la scolarisation des élèves en situation de handicap.
La loi de février 2005, avec toute sa légitimité et sa nécessité, est appliquée dans des conditions parfois paradoxales et les obstacles aux parcours de scolarisation sont innombrables.
Une enseignante référente sur un secteur couvrant 2 villes, parfois 3, sur un département sensible, ce témoignage veut simplement illustrer la réalité des faits.

La MDPH départementale est submergée, il faut parfois jusqu’à 1 année avant d’obtenir une notification d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) pour un accompagnement en classe, une orientation dans un dispositif adapté, un aménagement du temps scolaire... Le recrutement des AVS sur CUI (contrat aidé) implique que les candidat-es sont issu-es de milieux si divers et parfois de situations sociales complexes et délicates. La précarité des contrats d’auxiliaires de vie scolaire n’est plus à démontrer : CUI, AESH, jusqu’à 8 ans de contrats précaires avant un CDD, sans formation initiale, avec une formation continue quasi inexistante, des perspectives de reconversion plus que vagues, un statut fragile et déconsidéré, une place pourtant indispensable à la scolarité des enfants porteurs de handicap.
Les personnels d’accompagnement (AVS, enseignant-es et équipes pédagogiques, ATSEM, périscolaire en centre de loisirs et cantines) ne bénéficient pas de réelle formation à l’accompagnement du handicap, ou aux différents types de handicaps, aux bases de compréhensions des troubles autistiques, troubles des apprentissages (dyspraxie/dysorthographie/dyscalculies…) aux troubles envahissants du comportement, et la liste est encore longue.

Les enseignant-es spécialisé-es sont fort peu nombreux-ses au regard des quantités d’élèves à besoins spécifiques en attente d’accompagnement spécifique. Les élèves en situation de handicap sont alors inclus dans toutes les classes du système scolaire avec la garantie de traverser plusieurs années durant des classes ordinaires sans réelle perspective d’adaptation car les dispositifs spécialisés de type UE ULIS et établissements de soins-IME-IEM-IMP ne proposent pas le nombre de places nécessaires. Il faut jusqu’à 2 années d’attente pour une place en IME dans ce secteur géographique. Pour les soins en milieu institutionnel également CMP/SESSAD et autres spécifiques SASAAIS, il faut entre 8 et 18 mois d’attente pour une prise en charge globale adaptée. Des enfants IMC se voient refusés à la fois l’accès à l’école pour des raisons évidentes de difficultés/impossibilité d’accompagnement adapté ; mais aussi l’accès aux établissements de soins par manque de place. Des familles se retrouvent accompagnées exclusivement de partenaires de soins en libéral par manque de place dans les services dédiés CMP/SESSAD, et aussi par défaut d’accompagnement des services sociaux hospitaliers (visiblement aussi saturés que l’ASE, et les services sociaux de l’Éducation nationale). Des villes entières sont quasiment dépourvues de service de soins scolaires : postes infirmièr-es et médecins scolaires non pourvus et/ou fermés.

La prévention est devenue quasi impossible. Les RASED peuvant accompagner les investigations sont en voie de disparition. Les enseignant-es spécialisé-es (ex E et G) et les psychologues scolaires couvrent, quand les postes sont pourvus, des secteurs tellement grands qu’ils-elles ne servent que de pompiers. La formation ainsi que le nombre de postes ont drastiquement diminué, et le lien avec les partenaires de soins est réduit au minimum. Les personnels de soins qui ont traversé les réformes des RASED sont conscients de la disparition de ce filtre qui accompagnait auparavant réellement la découverte des difficultés quand elle se faisait jour à l’entrée à l’école.

L’accompagnement des familles, indispensable en terme d’acceptation du handicap, de parcours de soins et de scolarisation se fait dans bien des cas dans l’urgence et avec des perspectives d’attentes de prises en charges démesurées au regards des besoins de l’enfant, en attente de diagnostic, de soins, d’adaptation de son parcours scolaire.
Les crèches et les PMI, quand elles ont pu faire le nécessaire en amont, transmettent à l’école des situations d’enfants porteurs de handicap qui se retrouvent dans des classes à 28-30 élèves, sans adaptation à besoins spécifiques.

Les AVS, en raison des problématiques administratives kafkaiennes, ne peuvent pas garantir un accompagnement pérenne sur un parcours de scolarité au-delà d’une année scolaire et lorsque l’équipe pédagogique, la famille et l’accompagnement de l’enfant sont adaptés, chaque année le risque est incompressible de perdre l’AVS et/ou le suivi global. La loi de février 2005 n’est applicable que dans des proportions infimes sur le terrain réel, alors qu’elle propose un cadrage nécessaire et indispensable.

au lieu de Un-e enseignant-e référent-e, pour chiffrer des données réelles, sur 2 villes données et parfois 3 avec 220, jusqu’à 300 dossiers (et plus) MDPH à suivre, doit monter 220 à 300 réunions de suivi de scolarisation, accompagner ces +/-200 familles (des fratries en situations de handicap), trouver les AVS pour une grande proportion et des dispositifs d’accueil idoines, procéder au renouvellement de notifications d’accompagnement et/ou d’orientation avec les partenaires de soins de ces 200-250-300 familles, établissements scolaires 1er et second degré, privé et public confondus avec une MDPH saturée. Il arrive que l’enseignant-e référent-e doive dans certains cas recruter des AVS les accompagner sur leur prise de poste et tenter de les former en partie, puisque l’institution ne le fait pas systématiquement. Les familles doivent refaire leur dossier MDPH chaque année avec des listes d’attentes inhumaines dans certaines spécialités génétiques/neurologie, pour ne citer que celles-ci. Certaines de ces familles qui, de surcroit, rencontrent des problèmes de logement et d’emploi, de langue, de compréhension sont démunies, à bout, sans réponse de l’institution adaptée au handicap de leur enfant.

Les familles doivent refaire leur dossier MDPH chaque année avec des listes d’attentes inhumaines dans certaines spécialités génétiques/neurologie, pour ne citer que celles-ci.
Ce sont des familles qui, de surcroit, rencontrent des problèmes de logement et d’emploi, de langue, de compréhensio. Elles sont donc démunies, à bout, sans réponse de l’institution adaptée au handicap de leur enfant.

Dans ce contexte, l’école maternelle est indispensable au parcours de scolarité de tous nos élèves. Mais elle peine à accueillir dans des conditions adaptées ces situations en proportions grandissantes.

Les RASED, les dispositifs d’accueil, les services de soins, les familles, la MDPH, les enseignant-es des classes, les AVS pourraient travailler à cet accueil en réponse à la loi de 2005 s’ils-elles étaient bien plus nombreux-ses, bien plus et mieux formé-es à toutes ces situations, et en nombre suffisant.
Les délais et obstacles administratifs rendent le parcours de scolarité des élèves en situations de handicap bien plus chaotique et aggravent parfois la situation de ces enfants, là où les textes pourtant ont été rédigés pour fluidifier et accompagner à la mesure des besoins.

J’invite les partenaires institutionnels des assises de la maternelle à se rapprocher des enseignant-es référent-es pour la scolarisation des élèves en situation de handicap afin de prendre conscience des incohérences et des embûches qui impactent directement à la fois les enfants et leurs familles, les écoles, les établissements de soins, et les personnels concernés directement sur le terrain, et inévitablement l’accueil du handicap au cœur de notre société.