Evaluation... Et Pisa...lors !

 

Évaluation
ET PISA…lors ?

La publication 2013 des résultats PISA était très attendue par différents ac-teurs dont le ministre Peillon qui compte dessus pour justi-ier l’ensemble de ses réformes. Elle l’était beau-coup moins pour l’UMP car ce sont le résultat de 10 ans de politique éducative de droite et de destruction du système. Elle était, au con-traire, peu attendue par la CGT Éduc’action qui savait que les coups de baguette magique n’existent pas et que ce n’est pas l’approche de Noël qui devait nous faire croire au bonhomme rouge (quoique…).
Surtout, les résultats PISA sont très révélateurs d’un constat édité par notre organisation depuis des années et qui ont des raisons très structurelles, touchant non seulement l’Éducation, mais aussi, et surtout, le monde dans lequel nous vivons.
En analysant les méthodes utilisées pour ces tests, on peut d’abord souligner qu’ils ne correspondent pas vrai-ment aux standards français sur l’évaluation. L’utilisation des questionnaires à choix multiples n’a pas d’historique ni de pratique pour nos élèves. Ils sont du coup très éloignés des habi-tudes et y répondre demande une autre démarche intellectuelle. Autre remarque qu’il est bon de faire, c’est l’absence de contextualisation et de comparaison entre les systèmes scolaires et so-ciétaux. En effet, rien sur les conditions d’encadrement (jugées souvent idylliques en Finlande avec des classes à 20 élèves…), d’accueil dans des locaux adaptés et aérés ou sur la culture de réussite imposée dans certains pays en Asie… Il aurait été inté-ressant de se pencher sur ces motivations et les "obliga-tions" faites aux élèves pour réussir quand on sait qu’en Corée les enfants suivent des cours du soir jusqu’à plus de 22h… Ces questions sont in-téressantes aujourd’hui car elles ont un écho avec la ré-forme des rythmes scolaires et le temps et les conditions de travail des élèves. Bref, passons…
Au-delà de ces remarques liminaires, il convient de se pencher sur le fond des choses et des commentaires du rapport d’analyse. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard ou de l’accident, c’est le résultat d’une volonté poli-tique des différents gouvernements.
Le rapport indique que la France a un système scolaire très inégalitaire et qu’il ancre ces inégalités de façon de plus en plus violente. Tiens donc ? Mais comment pour-rait-il en être autrement dans une société économique française qui cultive cette opposition et qui construit un fossé entre les plus riches et les plus pauvres ? C’est clairement le prolongement de la disparition programmée de la classe moyenne et de ses élèves. Autant dire que l’as-censeur social via l’école ne peut, ne pourra plus fonctionner dans une société qui cultive le déclassement social. Et c’est bien-là une volonté politique de paupériser de la population et des élèves. Il faut bien créer une masse dirigeante et une masse « travaillante » (quand c’est possible !!) pour garan-tir une reproduction des élites et maintenir une masse ouvrière-précaire avec des revenus maigres et un niveau de qualification fai-ble. D’ailleurs, on peut élargir ce constat en analysant les résultats et les places des huit grandes puis-sances économiques mondiales. Elles se retrouvent dans le même cas que la France… Cela interroge sur la volonté des ces puissances d’encadrer et maintenir les disparités dans leur pays...
Nationalement, ce creuse-ment des disparités sociales dans l’approche de l’École et la réussite (ou non) de chacun est le résultat de la mise en place et du développe-ment de l’École du Socle, que nous dénonçons depuis le dé-but... Nous avons toujours dit que le Socle commun était fait pour déterminer les en-fants – principalement issus des couches sociales les plus fragilisées par le chômage, la pauvreté, l’absence de pers-pectives, les discriminations en tous genres – devant se contenter d’un socle repré-sentant à la fois un minimum et un tout suffi-sant pour devenir de la main-d’œuvre bon marché.
De même, le rapport n’aborde pas vraiment la question de la mixité des pu-blics dans les établissements et le rôle joué par l’assouplissement de la sec-torisation des écoles et des collèges dans certains quartiers. Sans faire de lien ni de raccourci dangereux, il con-vient quand même de noter que les élèves interrogés dans PISA soulignent aussi l’importance du climat de travail dans les classes. Mais là aussi, rien sur les effectifs, sur les publics accueillis, ni sur la fatigue... Dommage.
Enfin, comment ne pas par-ler de la place des enseignants et de leur métier dans l’analyse de ces résultats. C’est d’ailleurs tellement évident et facile que, dès la parution, l’opinion publique ne s’est pas privée de leur je-ter les chiffres au visage et les reproches qui vont avec. Mais bien sûr, si les élèves n’apprennent pas c’est de la faute des enseignants. CQFD !
Les politiques ne se sont pas privés non plus. Et au pre-mier rang, Luc Chatel, ancien ministre de l’EN… Sauf qu’en y regardant de plus près, on se rend compte que ce qui est pointé par le rapport, c’est l’absence ou l’inconsistance de la formation des enseignants. Et voilà M. Chatel, les profs et les élèves paient le prix de plus de 15 ans de politique de destruction de la formation initiale et continue dont vous avez héritée et que vous avez prolongée. Et ça aussi, la CGT Éduc’action le dénonce depuis longtemps…
Nous aurions aussi pu parler de toutes ces choses qui ai-dent les élèves à se sentir bien en classe et qui leur permettent d’apprendre, mais qui sont absentes de ce rapport : la liberté pédagogique redonnée aux équipes, l’innovation des pratiques, la formation et les échanges, les temps de travail des parents et des temps partagés en fa-mille, du regard des enfants sur la réussite à travers celle de leurs parents licenciés, la fin de la pression administrative, une vision et un projet d’école qui ne reproduisent pas un modèle social et économique libéral au ser-vice des plus puissants…
Bref, un tas de choses qui devraient être mises en dé-bat au plus vite dans une grande loi d’Orientation de l’École mais à côté desquelles nous sommes passés l’an dernier…
Comment dit-on ? Occasion manquée ?
Ça doit être ça…
Jérôme SINOT