Carte scolaire, répartition des postes 2016 : Faut-il vraiment se réjouir ?

 

En publiant par voie de presse, une semaine avant le CTM de décembre 2015, la répartition académique des moyens pour la rentrée 2016, la ministre pensait faire un coup politique dans l’entre deux tours des élections régionales. En effet, pour la première fois depuis de nombreuses années, les propositions d’attribution étaient toutes positives (à l’exception de l’académie de Caen). Quelle bonne nouvelle donc ! Et incontestable ! Qu’en est-il exactement ? Affinons l’analyse…

Le ministère annonce, pour la rentrée 2016, une hausse démographique de 37 111 élèves dans le premier degré et 6 639 nouveaux postes d’enseignant-e-s (3 835 dans le premier degré). Il se targue ainsi de pouvoir atteindre, au cours du quinquennat Hollande, son objectif de la création des 54 000 postes promis. Nous savons bien que cette promesse ne sera pas tenue et que les postes créés sont largement dédiés à la formation et aux stagiaires. C’est un jeu mathématique qui se fait sur les lignes budgétaires du ministère et qui sont un écran de fumée. Au final, ce ne sont pas 14 000 postes qui seront destinés aux écoles.

Revenons donc à ces 6 639 postes. Comment a été établie la ventilation et leur fléchage ?
La répartition a été effectuée selon 4 critères : les besoins démographiques, sociaux, le soutien aux protocoles ruraux et la priorité accordée au premier degré. Toutes les académies ont un solde de postes positif ou à minima de zéro (Paris). Essayons de comprendre les critères établis par le ministère. L’application du critère démographique semble avoir été faite avec la règle suivante : un poste pour 200 élèves supplémentaires et une suppression pour 20 à 29 élèves en moins. Cependant, cette règle est asymétrique puisque dans le cas de l’académie de Nantes, elle perd un poste pour 50 élèves en moins. La règle n’est pas nouvelle car il s’agit peu ou prou de celle utilisée pour la rentrée 2015. Pour autant, le principe démogra-phique n’a joué que sur 150 postes et n’est donc pas le principal critère. Ce choix a certainement été fait car nationalement l’augmentation des effectifs semble être derrière nous. Il convient pourtant de nuancer par l’existence de nombreuses académies à démographie positive. Et ces académies risquent fort d’être désavantagées par les choix de répartition. En effet, pour ces cas-là, les taux d’encadrement seront dans la lignée de ceux de la rentrée 2015, qui étaient eux-mêmes dans la lignée de la rentrée 2014, qui eux aussi étaient dans celle des années passées… Bref pas d’amélioration en perspective pour Créteil, Versailles ou Nice…

Au-delà de ces postes démographiques, 40 % des postes créés ont été distribués sur des critères sociaux. En effet, le document ministériel laisse apparaître cette formule sans plus de commentaire… Vague donc. Au premier abord, ce critère fait ainsi logiquement la part belle aux académies de Créteil, Versailles, largement défavorisées. Pourtant, en regardant au-delà des grandes masses, il est assez difficile de déterminer la méthode exacte de répartition. En effet, dans certaines académies, il a été attribué deux postes par établissements en REP ou REP + contre 1,5 pour Créteil et 1,32 pour Lille. Bien plus qu’une prise en compte d’une difficulté sociale, il semblerait que ce critère ait permis de corriger, entre autres, les baisses démographiques.

Le jeu des balances…
Enfin, le dernier critère est la priorité donnée au premier degré avec, pour la rentrée prochaine, 3 835 postes attribués. Cette dotation a vocation à mettre en œuvre les priorités ministérielles, telle que le plus de maîtres que de classes. Pourtant, c’est sans compter sur la nécessité de remise en état d’un système éducatif largement traumatisé. N’oublions pas que la précarité ne fait que croître et se développer parmi les enseignants du premier degré ; les RASED sont ainsi complètement oubliés par le ministère ...

Les créations de postes ne permettent pas de rattraper les milliers de suppressions de postes depuis 10 ans. Ce non-rattrapage est donc clairement voulu. Les annonces et l’autosatisfaction n’empêcheront pas ce choix d’avoir des incidences palpables sur le terrain avec des effectifs par classe qui ne chutent pas. Qui peut aujourd’hui dire que la politique menée est audacieuse et représente la priorité du gouvernement quand les familles et les collègues sont confrontés à des classes de 30 en maternelle, des difficultés d’inscrire les moins de 3 ans (173 emplois dédiés supplé-mentaires créés en 2016), où prendre soin de tous les élèves est un combat de tous les instants et où les prises en charges par le RASED sont faméliques faute de personnels.

Budget après budget, on nous a demandé d’être patients, l’eldorado était annoncé pour 2017. Et bien c’était un mirage. Certes, il y aura une dotation positive mais pas de quoi pavoiser. Rappelons que le gouvernement devrait créer 15 133 postes sur le seul prochain budget !

En espérant que le ministère ne confonde pas à nouveau contrats aidés et précarité (AED-AESH…) avec des postes statutaires.

Fabienne CHABERT