Agir pour l’école ? Vraiment ?

Quel enseignant ne veut pas la réussite de ses élèves ? De tous les élèves ? Pour autant, doit-on accepter d’entrer dans des expérimentations dont le fondement pédagogique est douteux et les financeurs encore plus ?
Telles sont les interrogations que laisse à penser le projet « LECTURE », recyclage du projet P.A.R.L.E.R financé par l’association Agir pour l’école… Ce projet, déjà expérimenté dans les académies de Grenoble, Lille et Lyon, a fait son entrée dans les Bouches-du-Rhône en septembre. Les collègues sont fortement incités par les IEN à le mettre en place en GS et n’ont eu parfois qu’une réunion de présentation d’une heure pour se déterminer et donc se porter volontaires « désignés d’office »…
La méthode est déjà en soi contestable et peu convaincante. Mais quand on y regarde de près, elle devient détestable.
L’emploi du temps est très contraignant : il s’agit d’une méthode qui propose des exercices de phonologie d’une demi-heure en groupes restreints (4 à 6 élèves) de façon intensive, tant que la compétence n’est pas atteinte : de quoi faire une overdose ! Les autres élèves sont en autonomie pendant ce temps, soit 1 h 30 environ par jour... du délire quand on sait ce qu’est une classe de maternelle à 27,5 élèves en moyenne par classe, au mieux
Pédagogiquement parlant, on peut se demander quel est l’intérêt de faire « du CP avant le CP… » si ce n’est qu’il y a le sacro saint socle commun qui est censé garantir à nos élèves (y compris ceux des zones d’éducation prioritaires), le minimum de compétences et tant pis s’il n’y a plus assez de temps pour laisser s’exprimer la créativité de ces individus, ni pour s’imprégner de culture… ça c’est le luxe réservé aux autres… ceux dont les parents fréquentent les musées, les salles de spectacles… ! Le rapport de l’I.G.E.N sur le dispositif P.A.R.L.E.R met en évidence les limites au bilan favorable concernant une entrée plus massive et plus rapide dans la lecture- décodage.
Le plus révoltant c’est de savoir que derrière ce projet hautement ambitieux en matière d’épanouissement des citoyens de demain, se cachent (ou pas) des multinationales qui brillent par leur philanthropisme : en effet Agir pour l’école est une association loi 1901 financée par des fonds publics et par des dons provenant de partenaires privés tels que le groupe Dassault, la fondation Bettancourt, AXA, la fondation Total…
Aussi, la CGT Éduc’action appelle les collègues à rester vigilants : la liberté pédagogique existe encore et avec elle la possibilité de refuser tout projet qui, de notre point de vue, frôlerait le manquement au respect de l’enfant.
Ne nous laissons ni mettre la pression ni bercer de douces illusions quant à la finalité de ces projets innovants en lecture, en maths ou autre… Ils ont souvent pour but de faire de nos élèves de futurs exécutants et non de futurs pensants.