Education prioritaire : au -delà de la forme que dire des CP à 12 ?

 

Il faut tout de même regarder la réalité de la chose et les quelques hiatus voire l’écart entre l’annonce et la réalité. La faisabilité est compliquée par des problèmes de locaux, qui ne risquent pas de se résoudre puisque les municipalités se font couper les moyens et surtout par le fait que les moyens sont constants sans spécificité pour ces dédoublements.
Alors, on s’arrête aux seuls REP+ et puis, selon la logique des vases communicants, on prend les postes ailleurs. L’annonce de la rafle des postes « Plus de Maitres que de Classe » a suscité beaucoup d’émoi dans le Landerneau des supporters du précédent quinquennat. La CGT Éduc’action n’est pas, en soi, opposée à l’existence de ces postes, mais nous savons tout l’aspect de propagande et d’affichage qu’il y avait souvent dans ces dispositifs. Souvent postes à profil, ils vont d’une expérience intéressante dans telle école à un moyen de plus pour la hiérarchie de faire passer une ligne pédagogique, et le plus souvent, le dispositif n’est pas pensé collectivement. Cela n’a rien à voir avec les maître-sses supplémentaires des débuts de la ZEP, dans les années 80, dont le rôle était décidé et réfléchi par les équipes, dans un temps de bouillonnement intellectuel pour changer l’École. En bref, à quoi peut bien servir un-e enseignant-e supplémentaire dans l’École d’aujourd’hui ? À quoi peut-elle-il être utile s’il s’agit de faire les mêmes choses qu’avant ?
L’émoi et la mobilisation ont sauvé en partie les postes PDMQDC, sauf dans quelques départements ; les moyens ont alors été pris sur des dotations de classes possibles (les réserves des DASEN avant septembre) et, surtout, sur les moyens de remplacement. Doter les CP des REP+ aux dépens des moyens de remplacement ne peut pas aller dans le bon sens, c’est au mieux du replâtrage, au pire un mensonge : qui va remplacer les enseignant-es de CP absent-es ?
Bon an mal an, ces CP à 12 (ou à 15) vont se mettre en place en REP+ à la rentrée, avec des dispositifs variés incluant ici le PDMQDC qui n’intervient plus qu’en CP, là un-e enseignant-e supplémentaire avec des cas de figure incluant la co-intervention voire les paravents au milieu des classes. Évidemment, l’effort fait sur les CP peut conduire à « oublier » les effectifs des autres niveaux dans ces écoles et, on peut imaginer la course à l’échalote pour savoir qui aura les CP et qui devra conserver les CM2.
Pour le MEN, il faut aller vite, car « la lutte contre l’échec scolaire n’attend pas ». L’objectif assigné est 100 % de réussite au CP. C’est l’occasion de se poser la question de l’utilité du dispositif ; car enfin, que signifie donc 100 % de réussite au CP. La CGT Éduc’action n’aime pas bien le concept de réussite, très individuel, très aux dépens des autres et lui préfère la promotion collective. Mais ce n’est pas une question de mot.
Car J.M.Blanquer a bien dit ce qu’il a en tête, récemment : le renforcement de la méthode syllabique en CP (si tant est que ce soit possible) et la référence aux réactionnaires neuroscientistes. De bonnes âmes crient à la relance de la « querelle des méthodes », probablement pour mieux cacher que leurs divergences avec le ministre a, en réalité, l’épaisseur d’un papier de cigarette. Car si la baisse des effectifs favorise les apprentissages, aucune étude ne nous a montré qu’elle permet, seule, d’apprendre à lire. Pire même, l’expérience des CP à 10, organisés par Lang et mis en place sous Ferry, a prouvé exactement le contraire. Si c’est dans le but de « connaitre les unités sonores de la langue française » pour reprendre les termes des programmes de maternelle réalisés par les gouvernements de Hollande, cela n’apprendra pas plus à lire qu’avant. Car, et personne n’évoque ce point fondamental, lire, ce n’est pas transcrire de l’écrit en oral, c’est comprendre un message écrit.
Finalement, il en est des CP à 12 comme des PDMQDC, dans l’École telle qu’elle est, comment peuvent-ils être utiles à l’émancipation des élèves ? L’objectif du MEN, des neuroscientistes, des penseurs du grand capital (l’Institut Montaigne et Agir pour l’École, notamment) est clair : avoir plus de déchiffreurs, mais il est peu probable que cela fera plus de lecteur-trices. Au contraire, les deux choses n’ayant rien à voir l’une avec l’autre. Jules Ferry en son temps, avait introduit le b-a :- ba des écoles des curés parce que son but était de former des ouvriers/ères capables de comprendre un mode d’emploi, pas des travailleurs-euses capables de lire « Les Misérables » ou « Le droit à la paresse ». Nous en sommes toujours là.
Si l’on ne renverse pas la table, si l’on ne bâtit pas, tous les jours, une autre école, ces CP à 12, même avec les meilleures volontés du monde, ne feront pas plus de lecteurs-trices qu’avant, mais moins.